Paquet « Monti-Kroes »
A la suite de l’arrêt Altmark de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) rendu en 2003, la Commission européenne a adopté, en 2005, trois textes formant le «paquet Monti Kroes» du nom des anciens commissaires à la Concurrence Mario Monti et Neelie Kroes. Cette série de texte analyse les financements versés par les pouvoirs publics en compensation des charges de service d’intérêt économique général et établit de nouvelles règles en la matière. Il s’agit de:
- la décision de la Commission 2005/842/CE du 28 novembre 2005 ;
- l’encadrement communautaire 2005/C 297/04 du 28 novembre 2005 ;
- la directive « transparence » 2005/81/CE du 28 novembre 2005.
I. La décision de la Commission 2005/842/CE du 28 novembre 2005 concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE aux aides d’Etat sous forme de compensation de services publics octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion d’un service d’intérêt économique général.
La décision de 2005 précise quels types de compensations de service public sont considérés comme des aides d’Etat compatibles avec le marché intérieur mais exemptées de notification auprès de la Commission européenne.
Pour qu’une compensation de service public ne soit pas considérée comme une aide d’Etat, quatre critères cumulatifs doivent être remplis, ce sont les critères de la jurisprudence Altmark. La décision de 2005 ne les concerne donc pas.
Ces quatre critères sont les suivants :
1. L’entreprise qui bénéficie de ces compensations doit être effectivement en charge d’obligation de services publics, ces obligations doivent être clairement définies.
2. La compensation doit être calculée à partir de paramètres objectifs, transparents et établis au préalable.
3. Les compensations ne peuvent pas dépasser les coûts engendrés par l’exécution de la mission confiée y compris les recettes relatives et un bénéfice raisonnable.
4. Lorsque le choix de l’entreprise à laquelle est confiée les obligations de service public n’est pas issu d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation doit être déterminé sur la base d’une analyse des couts qu’une entreprise moyenne et bien gérée aurait encourus.
Si les compensations de service public ne respectent pas les critères d’Altmark, elles peuvent être considérées comme des aides d’Etat compatibles avec le marché commun et exemptées de notification à la Commission européenne si elles entrent dans une des catégories suivantes :
- Si la compensation est attribuée à une entreprise dont le chiffre d’affaires annuel moyen HT est inférieur à 100 millions sur les deux années précédant l’attribution de la compensation. Le montant annuel de la compensation ne doit pas dépasser 30 millions d’euros.
- Si la compensation est attribuée à des hôpitaux ou à des entreprises de logement social.
- Si la compensation est attribuée à des entreprises chargées des liaisons aériennes ou maritimes avec les îles et qui auraient transporté moins de 300 000 passagers les deux années précédant l’attribution de la compensation.
- Si la compensation est attribuée à des ports et aéroports dont le trafic n’a pas atteint 1 million de passagers pour les aéroports et 300 000 passagers pour les ports au cours des deux années précédant l’attribution de la compensation.
- Si la compensation est attribuée à des entreprises du transport terrestre : les compensations d’OSP de ces entreprises sont régies par un règlement propre.
Pour que pour ces cinq catégories, l’exception de compatibilité avec le marché intérieur et de non notification à la Commission s’appliquent, quatre critères doivent être mis en œuvre :
1. L’existence d’un acte officiel par lequel l’Etat confère l’exécution d’une mission à une entreprise : le mandat.
Le mandat doit indiquer :
- La nature et durée des OSP. Lorsqu’elles définissent les OSP, les autorités sont invitées à mener de vastes consultations auprès des utilisateurs notamment.
- Les entreprises et le territoire concernés.
- La nature des droits exclusifs ou spéciaux octroyés.
- Les paramètres de calcul, contrôle et révision de la compensation. Les compensations ne peuvent pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts supportés par l’entreprise en tenant compte des recettes relatives et d’un bénéfice raisonnable.
- Les modalités de remboursement d’éventuelles surcompensations.
2. Ce mandat doit concerner un SIEG.
Les Etats membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition des services susceptibles d’être considérés comme SIEG. Toutefois la Commission veille à ce qu’il n’y ait pas « d’erreur manifeste. »
3. L’exigence de nécessité doit exister, c’est à dire que l’exception doit être nécessaire et proportionnelle pour la bonne exécution de la mission.
4. Les échanges intracommunautaires ne doivent pas être affectés par une telle décision.
Si les compensations d’OSP ne font pas partie d’une des cinq catégories décrites ci-dessus et/ou ne mettent pas en application les quatre principes d écrits ci-dessous et que par ailleurs, elles ne respectent pas les quatre critères d’Altmark, les compensations d’OSP sont considérées comme des aides d’Etat et doivent être notifiées à la CE, qui décidera de leur compatibilité avec le marché intérieur, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions. (cf règles d’encadrement communautaire des règles d’Etat)
Ce sont les Etats membres qui contrôlent que les entreprises ne bénéficient pas de surcompensation.
Si c’est le cas, l’entreprise doit rembourser cette surcompensation à l’autorité qui la lui a versée.
Si le montant de la surcompensation est inférieur à 20% du montant annuel de la compensation de service public pour les entreprises de logement social, et à 10% du montant annuel de la compensation pour tous les autres types d’entreprises, cette surcompensation peut être reportée sur l’année suivante.
La Commission peut demander aux Etats membres de lui communiquer les informations qu’elle juge nécessaire pour contrôler que les systèmes de compensation soient compatibles.
II. L’encadrement communautaire 2005/C 297/04 du 28 novembre 2005 des aides d’Etat sous forme de compensation de service public.
L’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensation de service public est valable pendant les six ans suivant sa publication à partir du 28 novembre 2005. Quatre ans après sa publication, la Commission réalise une étude d’impact.
Les compensations d’OSP qui n’entrent pas dans le champ de la décision de 2005 peuvent néanmoins être compatibles avec le marché intérieur si elles respectent un certain nombre de conditions.
Elles doivent être de toute façon notifiées à la Commission européenne qui décide alors de leur compatibilité réelle avec le marché intérieur. La Commission peut assortir sa décision de conditions et d’obligations.
Cet encadrement concerne tous les secteurs sauf les transports et le secteur de la radiodiffusion et sans préjudice des réglementations sectorielles existantes.( par exemple : les télécoms, la poste…)
Les aides d’État sous forme de compensation de service public peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur si elles sont nécessaires au fonctionnement des SIEG et si elles n’affectent pas le développement des échanges.
Pour être compatibles, trois conditions doivent être remplies :
1. Réel service d’intérêt économique général
o Les Etats membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la nature des services pouvant être qualifiées de SIEG.
o La Commission peut vérifier si aucune « erreur manifeste » n’est commise dans l’appréciation des services.
2. Nécessité d’un acte précisant les obligations de service public et les modalités de calcul de la compensation.
o La notion de SIEG implique que les entreprises en charge de SIEG sont chargées de « missions particulières ».
o Les pouvoirs publics sont libres de fixer le cadre de critères et de conditions applicables à la prestation de ces services. Ces cadres sont fixés indépendamment de la nature du prestataire ‘ association, entreprises privées…) et du mode du choix du prestataire (marchés publics ou autres).
o La responsabilité de la gestion des SIEG doit être fixée au moyen d’un de plusieurs actes officiels.
o La forme de ces actes relève du choix de l’Etat. Ce ou ces actes doivent préciser :
- La nature et durée des OSP. Lorsqu’elles définissent les OSP, les autorités sont invitées à mener de vastes consultations auprès des utilisateurs notamment.
- Les entreprises et le territoire concernés.
- La nature des droits exclusifs ou spéciaux octroyés.
- Les paramètres de calcul, contrôle et révision de la compensation.
- Les modalités de remboursement d’éventuelles surcompensations.
3. Montant de la compensation
o Les compensations ne peuvent pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts supportés par l’entreprise en tenant compte des recettes relatives et d’un bénéfice raisonnable.
o Le montant de la compensation couvre tous les avantages accordés par l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat, sous quelque forme que ce soit (prêts de locaux,…).
o Les coûts à prendre en considération sont les coûts liés au fonctionnement du SIEG. Les coûts liés aux investissements en matière d’infrastructures peuvent être pris en compte s’ils sont nécessaires au bon fonctionnement du SIEG.
o Les recettes à prendre en considération doivent au moins inclure toutes les recettes tirées du SIEG. Si l’entreprise en charge du SIEG bénéficie de droits spéciaux ou exclusifs liés à la gestion du SIEG et qu’elle en tire des bénéfices excédant la notion de « bénéfice raisonnable » ou bien si l‘entreprise bénéficie d’avantages octroyés par l’Etat, ces bénéfices et avantages doivent s’ajouter à ses recettes.
C’est aux Etats de vérifier qu’il n’y a pas de surcompensation et si c’est le cas, l’entreprise qui en a bénéficie doit la rembourser à l’autorité publique qui la lui a octroyée.
o Si le montant de la surcompensation est inférieur à 10% du montant annuel de la compensation, le montant peut être reporté sur l’année suivante.
o Certaines années, une surcompensation annuelle de plus de 10% peut être nécessaire au bon fonctionnement du SIEG. Dans ce cas, cette surcompensation peut quand même être acceptée si les autorités la justifient auprès de la Commission et que celle-ci l’accepte.
o Enfin, une surcompensation peut être utilisée pour financer un autre SIEG exploité par la même entreprise, dans ce cas, cela doit être fait conformément aux principes de l’encadrement des aides d’Etat sous forme de service public, et doit apparaître dans la comptabilité de l’entreprise et être notifiée à la Commission.
o Cette surcompensation ne peut être laissée à une entreprise au motif qu’elle serait une aide d’Etat compatible avec le Traité (aides en matières d’environnement, aides au PME, aides à l’emploi…)
III. La directive « transparence » 2005/81/CE du 28 novembre 2005 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises. La directive 80/723/CEE, ainsi que ses multiples modifications, ont été codifiées par la directive 2006/111/CE de la Commission du 16 novembre 2006.
En résumé, l’arrêt Altmark, ne permet pas de décider dans tous les cas de la qualification ou non d’aide d’État pour une compensation donnée de service public. Les critères de « bénéfice raisonnable » et d’« entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée » sont en particulier assez difficiles à évaluer en pratique. C’est pourquoi le paquet « Monti-Kroes » encadre le régime des aides d’État en distinguant trois catégories de compensations de service public :
1. Celles qui respectent les quatre conditions de l’arrêt Altmark: elles ne constituent pas des aides d’État. Toutefois une entreprise doit tenir des comptes séparés pour ses activités réalisées dans le cadre d’une mission de service public qui lui a été conférée et ses autres activités, placées dans le cadre concurrentiel normal. Ceci facilitera le contrôle du financement de ces activités.
2. Celles qui constituent des aides d’État mais sont présumées compatibles avec le marché commun, dans le cadre de l’article 86, paragraphe 2, du traité. C’est le point le plus novateur du paquet « Monti-Kroes ». Cela concerne en particulier les compensations de moins de 30 millions d’euros octroyées à une entreprise dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 100 millions d’euros. Certains secteurs, comme les hôpitaux, les entreprises de logement social ou de transport vers des îles sont également exclus du champ des aides soumises à notification préalable. Des contrôles a posteriori restent toutefois possibles.
3. Celles qui constituent des aides d’État et restent soumises à l’obligation de notification préalable. Il s’agit d’aides de montant important ou attribuées à des grandes entreprises. Ces aides doivent être notifiées à la Commission, qui peut décider de les accepter ou de les rejeter.
Voir aussi:
- Financement des services d’intérêt général: L’arrêt Altmark et le paquet Altmark
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